Après le Monténégro, nous découvrons l’Albanie. Nous traversons le pays en stop (283 km) et marchons quelques jours dans les montagnes (80 km). L’hospitalité des albanais ne cessera de nous étonner. L’accueil semble être un art de vivre ici.

Nous passons la frontière en camping car. Un court arrêt à Shkodër nous met dans l’ambiance. Chiens, chevaux et pintades se baladent en liberté dans les parcs et les rues. Des véhicules d’un autre âge et les vélos chargés à ras bord circulent entre les bus et les voitures. Sur les trottoires, vente de poissons dans des aquariums en plein soleil.

Nous quittons la ville en tendant le pouce vers Tirana. Le stop marche bien dans le pays. Nous arrivons le soir-même à la capitale.

Coeur du pays, l’un de nos conducteurs nous explique que c’est la seule véritable grosse ville. L’administration, les grandes universités et les entreprises y sont concentrées. Le centre ville est vivant et récent. Les mosquées côtoient les églises orthodoxes au milieu des grandes avenues commerçantes. Pour le reste, c’est un joyeux bazar d’immeubles décrépits, de câbles électriques, de réservoirs d’eau et de routes cabossées. L’architecture n’est pas le point fort de l’Albanie.

Direction Elbassan. Arizona nous y enmène. Elle fonce à 230 km/h sur l’autoroute. Nous atterissons dans un café. Nous devons alors décider de la suite. Trois parcours s’offrent à nous. Vincent lance un dé. Le choix est fait. Nous irons jusqu’au lac Ohrid à pied.

En sortant de la ville nous rencontrons Anna. Elle nous offre un café. Elle hèle le fils du voisin. Daniel sera notre interprète Albano-anglais. Finalement, elle nous propose de dormir chez elle. Nous y resterons deux nuits. Nous découvrons l’hospitalité albanaise qui ne cessera de nous surprendre pendant le reste de notre sejour.

Les repas entre amis s’enchainent. La table est couverte de spécialités du pays. On mange trop. On trinque aussi. « Gëzuar! » Léonard, le mari d’Anna, produit 1000 litres de raki. Zorata, son amie, en fabrique 5000 litres par an.

Anna nous fait visiter la ville, nous présente le pays. Elle nous raconte le régime communiste (1940-1990) qu’elle a fui avec son mari et son premier enfant. Comme d’autres albanais que nous croiserons, elle a passé la frontière grecque par les montagnes pour commencer une nouvelle vie. Elle y a travaillé plus de vingt ans avant de revenir en Albanie. Ses trois enfants vivent à l’étranger. Ceux de Zorata aussi. Les jeunes que nous rencontrerons rêves tous de quitter le pays. Le niveau de vie est encore faible. Le salaire minimum est de 150 euros par mois et les emplois sont rares.

Le ventre bien (trop) rempli, nous reprenons la route à pied. Anna a gavé nos sacs de nourriture avec un demi litre de raki.

On entre dans la campagne albanaise. Les montagnes apparaissent. On grimpe dans la verdure. Les ruisseaux sont nombreux. Les routes deviennent chemins de terre. Bientôt nous croiserons autant d’ânes que de voitures.

On se croirait seuls au monde mais, à mieux y regarder, les hameaux sont partout. Dans chaque ruisseau, des tuyaux remontent à la source en quête d’eau. Des bergers apparaissent d’on ne sait où et disparaissent presque aussitôt.

Ici, pas toujours de pont. Les routes coupent parfois à travers la rivière. Le niveau d’eau est bas en cette saison mais les villages doivent être coupés du monde en hiver.

Pas de commerce ni de bar. Pas besoin. À chaque village on nous invite à prendre un café et un (ou plusieurs) raki. On nous offre du fromage et du pain. Notre sac n’a jamais été aussi plein.

Nous nous habituons aux chiens errants parfois plus nombreux que les habitants du village. La majorité sont pacifiques. Ils ne font du baroufs que la nuit. Mais nous restons méfiants et vivrons notre première expérience de caillassage de chiens agressifs.

À mi-parcours, les invitations s’enchaînent dans les hameaux. Je bois un peu trop de raki. Après Gjerë, le chemin disparaît. Il ne reste qu’un petit sentier de berger. Le raki me donne des ailes. Je trottine en chantonnant. Et je me croûte dans la montagne. Un bel oeil au beurre noir ! C’est le premier bobo après plus de 7 mois de voyage.

Hospitalité Albanaise

Nous suivons ces sentiers accidentés pendant deux jours. Parfois, les traces de troupeaux se dispersent. Nous devons nous diriger au GPS. Les batteries se vident et cette navigation nous use. Face aux éboulis et aux étroites corniches à flanc de montagne, je me répète que si le troupeau de vaches est passé, pourquoi pas moi ?

Un peu perdus dans ces montagnes, notre chemin rencontre celui de Bledar. Ce jeune berger remonte ses courses à pied jusqu’au col, à trois heures de marche. Sa mère et les troupeaux l’y attendent. Il nous invite à rester chez lui pour la nuit. Au col, seules deux petites maisons de bois sont installées. Chacune d’un côté de la plaine. Un énorme rocher sorti de nulle part leur tient compagnie.

Bledar nous offre de la bière avant d’aller traire les bêtes. Sa mère nous prépare le dîner : lait de chèvre et haricots à la tomate. Ce repas chaud est un vrai réconfort. Bledar nous enmène au sommet du rocher. La vue à 360 degrés est magique.

Cette nuit, nous dormirons tous les quatre dans la petite maison auprès du poêle. Le lendemain, Bledar nous remet sur le chemin le plus court pour le prochain village.

Cabane de berger en Albanie

Le dieu du voyage placera un 4×4 croisé avec un tank sur notre chemin. Iris et Dominique, un couple d’allemands amoureux de « l’off-road », nous accompagneront jusqu’au lac Ohrid.

Le plus vieux et plus profond lac d’Europe. De là, nous reprendrons l’autostop pour rejoindre le dixième pays de notre voyage : la Grèce !

Le plus vieux lac d'Europe