Le 17 octobre 2017 nous sommes partis de la côte Atlantique, à Lacanau Océan, en France avec pour projet de rejoindre la Chine à pied et en autostop.

Après 388 jours de voyage, 18 053 kilomètres parcourus à pied et en autostop, 18 pays traversés… nous sommes arrivés de l’autre côté du continent.

Vendredi 8 novembre, à la tombée du jour, nous avons touché la mer Jaune, à Qinhuangdao, en Chine.

À 165 kilomètres de la mer

Ce matin, on tend le pouce devant le péage à la sortie d’un village paumé. Il n’y a vraiment pas grand monde. On se voit déjà attendre des heures

Un bus s’arrête. Le chauffeur insiste :

« Il fait trop froid pour faire de l’autostop. Montez ! » ou un truc du genre en chinois-mime.

Il nous invite à monter à bord gratuitement. On fait de l’autobus-stop !

Quand on est monté dans le car on ne savait pas jusqu’où il allait. Nous sommes arrivés à dix kilomètres de la mer, au début de la ville balnéaire de Qinhuangdao.

Tout est allé si vite ce matin !

Bus-stop

Bus-stop

En ville, on a traîné dans un café. J’étais impatiente de toucher la mer. Maintenant mes pas ralentissent.

Je suis heureuse. J’aurai bientôt réussi ce pari complètement fou. Fière aussi, je me surprends. Je ne pensais pas y arriver quand on a commencé notre long voyage.

Traversée de Qinhuangdao

Traversée de Qinhuangdao

Un voyage inoubliable

Je marche et je me souviens. J’avais peur pour ma jambe (voir : faux départ).

J’appréhendais le manque de confort, le froid et la chaleur, la pluie, le poids du sac. Mais tout a été si facile.

Rien ne c’est passé comme prévu mais tout était parfait.

Il a fait chaud, il a fait froid, mais ce n’était pas si terrible. Je ne sais pas par quel miracle, on a évité les gouttes.

Voyager par temps froid

-8ºC, on garde la pêche!

J’ai aimé la tente.

J’ai aimé me coucher et me réveiller avec le soleil. Ne jamais regarder l’heure. Perdre la notion du temps pour découvrir le rythme naturel des journées.

Manger lorsqu’on a faim. Dormir quand le corps est fatigué et se réveiller dès qu’il est prêt à partir.

La tente est devenue ma maison, mon chez moi, plus que dans n’importe quel hôtel ou auberge. Comme si sa fine toile, pourtant si dérisoire, pouvait être un cocon protecteur et me rendre invisible.

Coucher de soleil sur la mer au Monténégro

Je me suis sentie à ma place dans les bois.

Cuisiner simplement avec un peu de nature dans la popote. Chauffer au feu de bois. Se laver dans le ruisseau. Détendre ses pieds dans la mousse. Le lendemain, repartir sans laisser de traces.

Petit déjeuner en Géorgie

Petit déjeuner en Géorgie

Tant de fois j’ai dû m’arrêter, m’asseoir même, pour respirer, regarder, sentir et écouter. Ressentir et remercier la nature pour sa beauté.

Les levés de soleil dans la brume, la rosée et le givre sont magnifiques. Le bruit des cascades et des ruisseaux nous promettent de l’eau fraîche. Les vagues me bercent. La montagne, immense, me donne le vertige. Elle me rappelle quelle est ma place dans l’immensité du monde.

Voyage en Bosnie-Herzégovine

Désert vert en Bosnie-Herzégovine

La marche est méditative. Mon cerveau s’est vidé de tous mes tracas quotidiens. J’ai redécouvert l’essentiel.

Progressivement, j’ai retiré des couches qui enkilosaient mes pas. Je n’avais plus besoin de rien, je pouvais aller partout. Je me suis sentie libre et vivante.

randonnée dans les sapins

J’avais aussi peur d’aller vers l’autre. Cet inconnu qui me semblait de plus en plus différent à mesure que mes pas m’éloignaient de la France. Peur et honte de dépendre de l’autre. Lui demander mon chemin, de l’eau, du pain, parfois un lit.

L’hospitalité m’a surprise. Après un an, je peux compter sur les doigts de mes mains les refus. Et à vrai dire, la plupart du temps, nous ne demandions rien.

« Salut voisins ! », un workaway en Autriche

J’ai découvert la puissance des sourires. Chaque rencontre nous a donné tellement d’énergie ! De l’énergie pour avancer, parfois pour tenir bon.

Sortie de l'école, Chine

Sortie de l’école, Chine

De l’énergie à partager aussi. Tout est tellement plus simple avec un sourire.

L’univers semblait répondre à nos besoins avant même qu’ils se présentent.

Et puis on a ajouté l’autostop à notre aventure. Une première pour moi. Quelle découverte ! Ça vous donne un gros shoot d’ondes positives. De l’énergie en barre, effet instantané !

Camion-stop, Iran

Camion-stop, Iran

Et ça marche. On peut aller vite, très vite. Parfois trop vite, il faut rester vigilent.

J’ai surtout aimé les petits trajets. Une voiture – une rencontre, et tellement d’anecdotes et de souvenirs.

Iris et Dominique nous ont trouvé une petite place, Albanie

Pratique à continuer à tout prix !

Toucher la mer

Je retrace ce parcours. Beaucoup d’images me reviennent. Des paysages et des sourires surtout. Mon coeur s’accélère. On approche de la côte. Je vois la mer.

La mer Jaune

La mer Jaune

Quelques promeneurs et pêcheurs, la plage est calme. Tout est paisible. Inespéré dans ces grandes villes de Chine. La mer nous offre une parenthèse pour savourer l’instant.

On longe la côte jusqu’à la tombée du jour. Je n’ose pas poser mes pieds sur le sable, comme s’il pouvait se volatiliser sous mes pas, emporter les couleurs de la mer et laisser place à la grisaille de la ville, ma grisaille d’avant.

J’ai peur de me réveiller.

Ebahie ! Boukhara, Ouzbékistan

Ebahie ! Boukhara, Ouzbékistan

Nous avons dépassé la ville, les bateaux et les derniers promeneurs. Le soleil tombe. Il est temps.

Je pose mon sac. Je repense à notre premier soir dehors, avec Marie la femme de la forêt. Les larmes me montent. Tout était si beau.

Mes jambes tremblent quand je descends les marches de la promenade vers le sable. Je m’avance vers Vincent.

Cela fait un moment que nous n’avons pas prononcé un mot. Emus. On se penche pour toucher l’eau. Elle est fraîche.

On a réussi !

On a réussi !

Soupir de soulagement. Le ciel rosi est encore là. On se sourit.

« On a réussi ! » « On est allé jusqu’en Chine ! On a traversé le continent ! »

Je pensais exploser. Tout est calme. Je réalise que je suis exactement à ma place, là où je veux être. Je crois même que je sais ce que je veux.

Il suffisait de suivre nos pas pour trouver le chemin.

De l'autre côté du continent

De l’autre côté du continent