Le 18 septembre nous entrons au Kirghizistan. Nous traverserons le pays en suivant la route principale entre Och et Sary Tash pour passer la frontière à Irkemshtam ; 301 kilomètres à pied et en autostop pour rejoindre la Chine. La région vie au rythme des troupeaux de moutons et de chevaux. Les plaines sont immenses. On devine les pâturages verdoyants où les bergers s’installent à la belle saison. L’automne nous offre des déserts dorés à perte de vue.
Och à Irkemshtam
Le passage de la frontière kirghize se fait sans encombre. Pas de taxis entre les douanes ici mais seulement quelques mètres à parcourir à pied. Deux coups de tampons sur nos passeports et le tour est joué. Nous changeons de pays en moins d’une heure.
Nous entrons par Och, deuxième ville du pays. Il fait beau. On décide donc de quitter la ville à pied. Avant de partir, on fait quelques réserves et on mange une petite glace devant le magasin sous les regards curieux des vendeuses. La ville s’étire sur une vingtaine de kilomètres. Dans les « quartiers pavillonnaires », pas de goudron, la route n’est que poussière. Les enfants jouent avec rien dans la rue. Les femmes marchent, un foulard enroulé autour du visage pour cacher leur bouche de la poussière. Sur les grands axes, c’est le bazar. Les échoppes débordent sur les trottoirs et la route.
Nous sommes encore en ville lorsque le soleil tombe. Le gardien d’une école maternel nous ouvre la grille. Nous dormirons dans les yourtes de la cour de récré.
Au petit matin nous quittons Och pour entrer dans les immenses étendues d’herbe grillée, jaune d’or. Pendant 7 jours, nous suivrons la route entre Och et Irkemshtam, de l’autre côté du pays, seulement 301 kilomètres.
Au rythme des troupeaux
Les matins et soirs sont mes moments préférés. Le long de la route, les écoliers partent et rentrent de l’école. Ils passent à deux ou trois par vélo, en courant, avec leurs petits chapeaux hauts kirghizes. En nous voyants, ils écarquillent leurs yeux, nous crient « Hello ! », nous suivent. C’est aussi l’heure du départ et du retour des troupeaux : des moutons, quelques chèvres, des chevaux. Ils ont priorités sur les voitures qui doivent patienter ou quitter la route pour circuler. Un beau bazar lorsque les camions arrivent. Les bergers nous saluent à cheval.
En journée, on fait un peu d’autostop entre les villages ou on quitte la route pour prendre un peu de hauteur.
Les jeeps et semi-remorques nous font monter à l’arrière pour de petites distances. Debout à l’arrière, c’est la meilleure place pour les visites. L’air est frais, les vues sont magnifiques. On partage le coffre avec le mouton blessé ou le chien du berger. Par la fenêtre, le conducteur nous donne de petits abricots. Les chevaux courent dans les collines.
A travers les champs jaunes
Nous quittons parfois la route principale pour s’enfoncer dans les montagnes à pied. On s’égare dans les broussailles. Au milieu de nulle part, un kighize insiste pour qu’on essaye son cheval.
Dans les villages, les hommes sont bergers, mécaniciens ou boulangers, les femmes travaillent à l’école ou tiennent un petit magasin. Les mieux lotis sont propriétaires de grands vergers. Les branches des pommiers croulent sous le poids des fruits. Nous sommes dans le berceau historique des pommes.
Au milieu des montagnes, nous passons devant une école bleue. Un peu plus loin, une femme nous offre de l’eau. Elle parle anglais ! Elle est la professeure de langue. Nous sommes tous les trois heureux de pouvoir échanger quelques mots. Elle nous explique que le nom de son village signifie « Champs jaunes » en kirghize.
Un homme nous invitera à prendre le thé. Il rentre chez lui, un saut plein de petites truites. Il les a pêchées à la main dans la rivière. C’est le dîner de ce soir. Dans la cour, ses enfants joueront avec les poissons, gardant à l’écart le chat gourmand.
Rythme nomade
Nous dormons dans la tente toutes les nuits. Matin et soir nous allumons un petit feu pour cuisiner et se réchauffer. On se couche tôt et on se lève souvent vers 5 heures. Dans les petits villages, nous ne trouvons que du riz, des carottes et des oignons. Parfois de beaux pains dorés, du fromage fumé et des pommes de terre. On cuisine des chapatis fourrés au fromage pour varier les plaisir.
Quand nous traversons une ville nous tentons un petit restaurant. Tout est au mouton. Nous commandons une soupe. On nous sert un bouillon gras avec le pire morceau de viande qui flotte dedans. Le riz et les pommes de terre sont cuisinés avec sa graisse. Depuis plus d’un mois le régime alimentaire est essentiellement à base de riz et de mouton. Je commence à saturer, rien que l’odeur de la viande me retourne l’estomac. Au moins, nos téléphones chargent.
A la pause déjeuner, je fais des siestes roulée en boule pendant que Vincent lit et écrit. Quand nous trouvons un ruisseau on se motive pour passer à la douche froide et laver quelques vêtements.
Col de Taldyk
Nous passons le dernier col proche de Sary Tash, dernière ville avant la frontière chinoise. Un russe nous monte à mi-chemin en voiture. Nous décidons de finir à pied pour profiter de la vue. La route serpente dans la montagne rocheuse. Les camions dévalent les lacets. Au loin, on en aperçoit un dans le fossé. Nous arrivons au col Taltyk, à 3615 mètres d’altitude, sous les applaudissements d’un groupe d’étudiants. Ils faisaient justement leur pause selfies. S’en suit une demi-heure de photo dans un vent glacial. Mais les sourires nous réchauffent.
Vers la frontière
On redescend en autostop. Nous arrivons à Sary Tash, à 72 kilomètres de la frontière. A 3170 mètres d’altitude, la ville est installée au début d’une plaine immense. Il y a plusieurs hôtels ici. On aperçoit d’ailleurs plusieurs voyageurs à vélo dans les rues. Mais nous, on décide de traverser la ville et de planter la tente un peu après. Quelle bonne idée ! La plaine est magnifique mais affreusement déserte. Le vent souffle, impossible de planter la tente. Au loin, on aperçoit le début de la chaîne de l’Himalaya dans les nuages.
Personne ne circule sur l’interminable ligne droite. Finalement, à la tombée du jour, un camion passe, on tend le pouce. Il nous emmène à frontière. Après la plaine, nous entrons dans les montagnes de roche rouge brique. Les sommets sont enneigés. La pluie arrive. 20 kilomètres avant Irkemshtam, nous passons le premier contrôle. Simple vérification des visas. Trois militaires au milieu de la montagne, le bureau est dans un conteneur. Une fenêtre est percée dans le métal pour faire un guichet.
La route devient sinueuse. Nous montons sous la pluie battante sur une arrête. Nous suivons la crête, de chaque côté le vide nous attend. On regrette de ne pouvoir s’arrêter pour admirer l’immensité des montagnes arides et les sommets glacés.
No man’s Land
Nous arrivons à Irkemshtam de nuit, vendredi soir. Jusqu’à présent, à la frontière on pouvait trouver des hôtels, des commerces, un petit bureau de change, de la vie. Pas ici.
Irkemshtam est un village fantôme, un bidonville de conteneurs et avec quelques maisons semblant abandonnées. Le garde nous explique que la frontière est fermée le week-end et lundi c’est la fête de la mi-automne. Nous devrons patienter 3 jours entiers dans ce « no man’s land ». On paye notre désorganisation mais ça nous fera des souvenirs.
La première nuit, une famille fait « chambre d’hôte » dans sa maison-conteneur. Les escaliers sont un empilement de pneus de camion. 2 pièces dans le bloc, un poêle au milieu. Pas d’eau courante dans le village, les toilettes publiques sont des trous cachés entre des cloisons de fortune. Le lendemain, on essaye de planter la tente mais le soir le vent se lève. Il n’y a pas d’abris ici. Pas un arbre, pas un arbuste. Les ânes du village nous regardent.
Une femme nous ouvre son dortoir. Il est un peu chauffé. La chambre nous offre un peu d’intimité. Nous y passerons le reste du séjour.
On s’achète 2 cartes internet. On se documente sur la Chine. Les camions s’entassent devant la frontière. Je teste tous les plats du restaurant, que du mouton, encore. Je n’en peux plus ! Je rêve des raviolis et des nouilles chinoises.
Lundi, à 8 heures pétante nous sommes devant la frontière. Nous allons entrer en Chine, le dernier pays du périple. Je suis surexcitée !
février 8, 2019 at 11:46
Super intéressant comme d’habitude mais là encore plus car étant de retour en France il ne va plus y avoir beaucoup de choses nouvelles !!!!!
Encore merci de nous avoir fait vivre par vos photos, vos comptes rendus, ce super voyage et je pense que vous n’êtes pas prêt de l’oublier.
Bisous à tous les deux
Claudine