La Chine fut le pays le plus éprouvant à traverser pour nous deux de tout notre voyage. Je pense qu’il y a deux raisons à cela.

Nous étions alors sur les routes depuis plus d’un an et commencions à fatiguer. Notre derrière arrêt de plusieurs jours d’affilés datait de mars, en Autriche, soit 8 mois auparavant. Nous étions fatigués mais si près du but !

Maps me
Maps me

La seconde raison tient au régime politique en Chine. Nous avons traversé d’autres pays avec un régime très autoritaire comme l’Iran et le Turkménistan. Mais ce qui se passe au Xinjiang me glace le sang. Puis, dans le reste du pays, nous avons rapidement ressenti un malaise, une oppression insidieuse. La surveillance est partout mais se fond dans le décor. L’autoritarisme est accepté, approuvé même par la population. L’idéologie du Parti communiste est profondément ancrée dans les esprits.

Pour en savoir plus, voir la 2e moitié du reportage d’Arte TV .

Pause
Pause

Malgré tout, nous garderons de merveilleux souvenirs de la Chine. L’autostop n’est pas répandu mais il est connu des chinois et nous avançons rapidement. L’hospitalité des habitants est toujours au rendez-vous. On sent les chinois plus hésitant à faire entrer des étrangers chez eux, mais après un moment à parler ensemble, l’accueil est au rende-vous. Merci ! La nature de ce pays est grandiose et si différente de ce que l’on peut voir en Europe. Enfin, nous avons sacré la nourriture chinoise Meilleur Bouf de tout le voyage !

Autostop Family
Autostop Family

Hébergement chez l’habitant

Nous ferons 6 couchsurfings en Chine. Il y en a peu, encore moins chez des chinois. Il faut un VPN payant pour contourner le filtrage stricte opéré par le régime sur internet et accéder au site couchsurfing. De plus, ce n’est pas vraiment dans la culture chinoise de faire dormir un invité, surtout un européen, sur un canapé.

Diner d'affaire
Diner d’affaire

Grâce à nos hôtes, nous découvrons ces grosses résidences, véritables villes dans la ville. Elles regroupent une dizaine d’immeuble standing, de 30 à 40 étages chacun. Pour les hauts standings, la résidence dispose de gardiens à l’entrée qui contrôle les plaques et se renseignent sur la raison de notre visite. Il y a un gardien pour chaque immeuble, plusieurs petits commerces et un grand parc arboré. Pas besoin de sortir pour vivre au quotidien.

Logements types dans les villes du Nord de Chine
Logements types dans les villes du Nord de Chine

A Xining, un couple nous accueille chez eux. Le mari, Kalvin pour les européens, parlent anglais. Nous échangerons beaucoup avec eux sur la vie en Chine.

Nous sommes étonnés de voir la concentration dans les villes alors qu’il y a tant d’espaces complètement déserts entre chaque mégalopole. Dans la région de Xining les terres sont exploitables. Il nous explique que c’est une politique de la Chine que d’encourager la population à se regrouper. L’Etat a racheté et incité les populations des campagnes à venir s’installer en ville.

Banlieue de Jinan
Banlieue de Jinan

Le couple a deux filles. La petite est encore un bébé. Une chouquette boudeuse aux joues à croquer. L’autre est au collège. Jusqu’au 1er janvier 2016, la politique de l’enfant unique s’appliquait. Désormais, ils peuvent avoir un second enfant. En 2020, le contrôle des naissances devrait être levé.

La plus grande fille ne sort pas beaucoup de sa chambre. Collégienne, elle travaille énormément. Elle ne se montre que pour manger. Elle fait des devoirs jusqu’à minuit et se lève à 6 heures pour réviser avant de partir à l’école. Le week-end elle suit des cours de soutien pour améliorer ses chances de réussite. Dans le pays, seulement 50% des élèves réussissent l’équivalent du BAC et peuvent ainsi aller à l’université.

Kalvin a une haute estime de la France et de l’Europe en général. Selon lui, leur pays est certes développé, il dispose notamment d’une forte puissance de main-d’œuvre. Mais ils n’ont pas les connaissances, les chercheurs. D’ailleurs le pays redoute la fuite des cerveaux (et des informations). Le gouvernement offre de nombreux avantages aux hauts fonctionnaires mais ces derniers ont l’interdiction de quitter le territoire. Pour des vacances à l’étranger, les conditions sont très strictes.

Temple - Lanzhou
Temple de Tulou Guan – Xining

 A Lanzhou, Jim et Lan, un jeune couple, nous héberge dans leur nouvel appartement. Le soir, nous sommes invités chez les parents de Jim pour un dîner traditionnel. C’est un régal ! Soupe de nouilles, salades diverses et fines tranches de bœuf.

Couchsurfing
Couchsurfing

Des amis nous rejoignent ensuite à l’appartement pour boire des bières et du saké. L’alcool de riz est délicieux. Ils nous apprennent le Chi Fou Mi à la Chinoise. On rit beaucoup. Ils y jouent avec la ferveur des guerriers. Puis les langues se délient et ça parle politique. On finit par leur expliquer vaguement notre traversée du Xinjiang. Au début ils minimisent. L’un d’eux nous dit que les médias occidentaux exagèrent. Les médias ne leur montrent peut-être pas tout mais ce sont des étudiants en grandes écoles…Je suis étonnée. Finalement, ils nous présentent leur position. Eux aussi aimeraient d’une démocratie mais la Chine est encore instable. Par ces restrictions au Xinjiang, la surveillance dans les rues chinoises, le système de crédit de points sociaux, ils stabilisent le pays. C’est un mal nécessaire. Ensuite, ils pourront songer aux droits de l’homme. A l’heure actuelle, le plus important est d’avoir un pays stable. Je reconnais le discours du Parti.

Aux origines du Shifumi
Aux origines du Chi fou mi

A Huashan, un gendarme nous loge dans la maison de campagne de ses parents. Il nous a vu installer notre tente. On a cru qu’il allait nous demander de déguerpir mais non. Il reviendra une heure plus tard en civil : « Il va faire froid cette nuit, venez chez moi. ».

Tire-bouchon improvisé pour nous offrir du vin français
Tire-bouchon improvisé pour nous offrir du vin français

Ce sera l’une de mes plus belles soirées en Chine. On parle beaucoup des Montagnes sacrées. Sa femme est guide et lui est passionné d’histoire. Il allume ensuite les infos et nous parle du Président. Il est très critique. « Il veut tuer la République pour devenir Roi ». Il n’apprécie pas cette surveillance. Sa volonté de tout contrôler. Il fallait qu’on rencontre un gendarme pour entendre une critique du régime ! Pour le repas, il part chercher sous le lit, une bouteille de vin rouge. Un Languedoc ! Pas de tire-bouchon ici. Une visse et une pince feront l’affaire.

Mont Huashan
Mont Huashan

La campagne Chinoise : Randonnée de Majistan à Chengguan

Dans le Nord de la Chine, nous avons du mal à trouver une zone pour randonner plusieurs jours d’affilés sans faire une boucle. La plupart des zones de nature verdoyantes avec quelques petites routes d’indiquées sont des réserves naturelles transformées en site touristique.

On décide d’aller vers les Grottes de Majistan. C’est aussi un site touristique mais une petite route semble le traverser pour ensuite s’enfoncer dans la campagne.

Grottes de Majistan
Grottes de Majistan

La campagne et les montagnes sont belles en automne. On marche dans la brume ou sous une pluie fine. Le ciel est blanc. Les arbres oscillent entre le vert, le jaune et le rouge. On découvre des oiseaux multicolores. Des faisans rouges et oranges, des oiseaux bleus à longue queue. Nous campons cachés entre les arbres. Des chevaux nous rendent parfois visite.

Longue marche
Longue marche
Pause thé
Pause thé

Les villages que nous croisons semblent endormis. Quelques petites maisons, des cultures de légumes et des plantations de pins. Des piments sèchent aux portes. Le long du chemin, des petits temples colorés rendent la nature mystique. Nous ne croisons personnes pendant 2 jours. Nos réserves baissent.

Temple
Temple

Alors que l’on fait une pause, un tractopelle jaune passe sur la route. Il fait marche arrière difficilement. Le jeune conducteur descend et vient nous demander un selfie !  Évidemment. On finit par sortir notre pancarte autostop et lui mimons qu’on a faim. Nous sommes partis pour du tractopelle stop vers un restaurant ! Le conducteur parle quelques mots d’anglais. Dans les premiers villages où il s’arrête, tout semble fermé. Il n’y a pas de supérettes ni de restaurants officiels. C’est uniquement des maisons ouvertes pour nourrir les ouvriers qui travaillent dans les plantations de pins et transportent le bois hors des montagnes.  

Notre bolide
Notre bolide

Finalement, le conducteur rencontre un couple. Au début, on comprend bien qu’il n’est pas envisageable de nous faire à manger. Notre bienfaiteur insiste. Nous lui demandons de traduire que nous pouvons tout simplement leur acheter quelques légumes. Finalement on nous fait asseoir dehors, devant un thé.

Après une heure, on nous fait entrer. Ils nous ont cuisiné un repas de roi ! Riz, Porc grillé, légumes, tofu, pommes de terre râpées en salade, thé et saké. Il y en a trop. On nous ramène encore une soupe. Impossible de finir, les reste partent dans notre popote, dans notre sac. Nous qui voulions simplement leur acheter des patates et des poivrons de leur jardin.

Le « leader » nous rejoint. Il parle aussi anglais. Le conducteur nous explique son rôle. C’est entre un Maire et un Chef de chantier. Il possède un hôtel. Enfin c’est entre une Mairie et un bureau, avec quelques chambres pour accueillir les clients. Il nous loge pour la nuit. Merci !

Le "chef" du village nous accueille
Le « leader » du village nous accueille

En marchant dans cette campagne nous croisons des ouvriers et des chauffeurs de camions. On décide de faire du stop pour les rencontrer. La montée en camion est lente. Ce sont de vieux véhicules lourds. On doit parfois s’arrêter pour remplir les citernes d’eau de la rivière afin de refroidir le moteur.

Camion-stop
Camion-stop

Un soir, une famille nous accueille. Nous avons été introduits par l’un de camionneurs rencontrés la veille. Cette famille tient aussi un « restaurant » avec une petite supérette. Le dîner est délicieux. La famille se détend. Leurs enfants sont très curieux de notre voyage, des pays que nous avons traversés. Ils nous regardent installer notre tente dehors. Finalement ils nous expliquent qu’il va pleuvoir, on s’installe dans leur shop.

Hospitalité chinoise. Merci !
Hospitalité chinoise. Merci !
Hébergement dans le shop des camionneurs
Hébergement dans le shop des camionneurs

Le matin, leur petit garçon, avec ses quelques mots d’anglais, nous redemande les photos et la carte. Sa mère nous explique qu’ils ne voient cela qu’à la télé. Ils sont trop pauvres pour espérer un jour voyager. Elle souhaiterait que l’on reste pour leur raconter notre voyage. On aimerait mais notre temps commence à être compter. On doit avancer vers Xi’an pour étendre nos visas. Nous reprenons la route avec le plein de sourires.

Les mégalopoles : Xi’an et Beijing

En raison des visas (renouvellement du visa chinois puis demande de visa russe), nous resterons une semaine à Xi’an puis une semaine à Beijing. Ces trêves dans les villes nous permettent de découvrir la vie citadine en Chine, dans ces mégalopoles. Le contraste avec les campagnes est déroutant : la technologie, le niveau de vie et la consommation surtout.

Chengde
Chengde

Dans le centre, les rues sont blindées de voitures et scooters électriques. Ça klaxonne dans tous les sens. Aucune place pour les piétons. Les routes sont pleines de voitures, les pistes cyclables croules sous les scooters et les trottoirs semblent réservés aux vélos qui usent de leurs sonnettes pour qu’on se pousse. Pour souffler, un a trouvé un magnifique parc aux arbres centenaires. Dans chaque ville, aussi bruyantes soient-elles, on trouve des parcs paisibles avec un temple.

Xi'an
Xi’an

Le soir, au pied de notre immeuble, des vendeurs ambulants s’installent : nouilles sautées, soupes, poissons, brochettes… Chaque soir on teste un nouveau plat mais on finit toujours par le wok de nouilles sautées.

Cuisine de rue - Xi'an
Cuisine de rue – Xi’an

Nous resterons également plusieurs jours à Beijing (Pékin) pour faire nos visas russes.

En attendant, on en profite pour visiter la capitale. La pollution est difficilement supportable. Stan, un couchsurfer russe, ne sort jamais sans son masque mode Tchernobyl. Le ciel est jaune. Il pleut de la poussière.

Logements types dans les villes du Nord de Chine
Logements types dans les villes du Nord de Chine

En centre-ville, la pub est partout : les affiches, les écrans géants sur les buildings, les clips projetés sur les murs. Le matin je suis réveillée par le doux bruit des spots publicitaires qui démarrent à 8 heures et tournent en boucle toute la journée. Dans les ascenseurs et sur les miroirs des toilettes publics, des publicités sont projetées. Dans les mégaphones, les commerçants hurlent leur promo du jour. Certains même s’enregistre pour que le slogan se répète toutes les cinq minutes.

A ces écrans il faut ajouter les caméras de surveillance un peu partout. Elles vous filment dans les rues, en tant que piétons ou conducteurs. Par endroit, de grands écrans diffusent les portraits de mauvais élèves. Ceux qui ont traversés en dehors de passages pour piétons par exemple. Je me demande combien de points ils perdent dans le système de crédit de points social.

Crédit de point social
Crédit de point social

Les emballages nous sidèrent aussi. Dans les supermarchés, tout est emballé à l’unité : les tranches de brioches, les oranges, même les cacahouètes et petits pois frits ! 10 petits paquets de 10 cacahouètes dans un grand paquet. Un chinois nous expliquera que c’est pour préserver la « fraîcheur ». Plusieurs matins, quand nous reprenons tôt la route après avoir dormi sous tente en ville, nous verrons les personnels d’entretien ramasser ces déchets et les jeter dans le fleuve.

Supermarché - Emballage unique
Supermarché – Emballage unique

Les crachas aussi nous surprennent. Surtout quand ils viennent d’une jeune fille. Une bonne glaire bien gutturale.

Bref, vous l’aurez compris, la vie en Chine, pour nous, c’était compliqué. Heureusement qu’il y avait la bouf ! La meilleure nourriture du voyage. La meilleure au monde, juste après le fromage.

Les meilleurs raviolis du monde !
Les meilleurs raviolis du monde !
Nouilles au porc
Nouilles au porc

La périphérie des villes contraste avec les centres modernes. Dans ces quartiers éloignés, les routes sont défoncées, les habitations semblent tombées en ruines, entretenues avec les moyens du bord, les câbles électriques sont emmêlés aux poteaux et aux arbres. Pourtant, je me sens mieux dans ces rues. Plus libres, moins surveillées.

Banlieue - Xi'an
Banlieue – Xi’an

Le bazar des marchés me fascine. Poules vivantes, poissons exposés sur le trottoir, étalage de champignons exotiques, sac de thé et de piments, légumes et fruits inconnus. Nous y faisons nos ravitaillements en quittant les villes à pied avant de tendre le pouce pour notre prochaine destination.

Poisson - Marché de rue - Lanzhou
Poisson – Marché de rue – Lanzhou
Thé - Marché à Lanzhou
Thé – Marché à Lanzhou

La Grande Muraille

Après Beijing, il est temps de partir voir la Grande Muraille puis, à l’autre bout du Continent, la mer.

Après la petite ville de Gubeikou, la campagne s’installe. Une vieille dame nous attend devant une ferme, sur son scooter. Les oies crient devant les étrangers. Elle nous indique un petit chemin du doigt. Nous ne sommes pas les premiers touristes à vouloir venir voir le mur en dehors des sentiers battus.

Le chemin grimpe dans les herbes sèches et la poussière. La nuit tombe. Nous arrivons sur un petit plateau avec une vue sur la Grande Muraille. Ce soir, nous trinquons au Mur avec de l’alcool de riz.

Un petit remontant - Alcool de riz
Un petit remontant – Alcool de riz

Au petit matin, nous sommes seuls sur la Muraille. Elle est immense et s’étire à perte de vue. Un serpent de pierre dans les montagnes. C’est un petit déjeuner 4 étoiles. Ce matin, nous sommes les rois du monde.

Petit déjeuner sur la Grande muraille
Petit déjeuner sur la Grande muraille

Nous marcherons plusieurs heures seuls sur le mur avant de rencontrer un militaire chinois qui nous offre une cannette de Coca. Ces rencontres improbables, presque hors du temps. Plus loin, il y a une base militaire, on doit descendre.

Grande Muraille - Gubeikou
Grande Muraille – Gubeikou

Gubeikou était notre dernière étape avant l’ultime ligne droit, les quelques kilomètres en stop qui nous séparent de la mer jaune. Nous tendons le pouce pour Quinhuangdao, à l’autre bout du mur, à l’autre bout du continent (lien). 

Grande muraille - Shanhaiguan
Grande muraille – Shanhaiguan
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