Cela fait bientôt un an que nous sommes rentrés de notre long périple. Il était temps d’écrire sur la Chine, le dernier pays de notre traversée. J’avais un peu peur d’avoir oublié. J’ai ouvert mes carnets de voyage et tout m’est revenu : les paysages, les rencontres, les odeurs.

Cet article sera plus long. Je voulais vous faire découvrir mon journal. Sept jours pour traverser le XinJiang, un peu plus de 2000 km en stop et exactement 30 contrôles de police.

Mardi 25 septembre 2018 – Confortable, Instant and Smart

À 8 heures devant la barrière. Un militaire nous ouvre. Nous marchons 2 km sur la route de terre entre les montagnes rocheuses jusqu’au premier poste de contrôle kirghize. Un rapide coup d’œil à nos visas. RAS. Le militaire nous fait monter dans un camion en transit. Nous sommes en route pour la sortie du territoire. Le camionneur nous laisse à l’entrée d’un grand bâtiment blanc qui détonne. C’est le premier poste de contrôle chinois.

A l’intérieur tout est propre et vide. Nous rencontrons deux allemandes, un couple de Suisse, un couple hollandais et deux anglais en Jeep. Ils sont les seuls non-camionneurs qui traverseront la frontière avec nous aujourd’hui. Un douanier nous donne un questionnaire à remplir. Puis on retrouve la technologie du contrôle : scanne des bagages et scanne corporel. On doit ensuite vider nos sacs, ouvrir nos livres et carnets, leur laisser nos téléphones. Les agents ne trouveront pas notre appareil photo, les graines ni mon couteau. En revanche, ils prennent le couteau de Vincent. Les hollandais ont eu moins de chance. Ils avaient un livre sur la quête du bonheur du Dalaïlama dans leur sac. On les menace de sanctions et d’interdiction d’entrer sur le territoire. L’homme est pris en photo en tenant le livre puis son passeport. Il sera interviewé pendant 30 minutes. La jeune femme pleure, une peu paniquée. Elle entrevoit la fin de son voyage. Le militaire n’est pas commode et hausse le ton. Dans notre salle d’attente, une affiche : « Confortable, Instant and Smart« .

Après le premier contrôle nous sommes contraints de prendre un taxi, le premier du voyage. Vincent tente de discuter mais le militaire ne rigole pas, déjà chauffé par le livre « interdit ». J’ai peur qu’on nous refuse l’entrée sur le territoire. On capitule. C’est 15 dollars par personne. Le prochain poste de contrôle a été déplacé. Il est à 142 km d’ici. Nous roulons à 60 km/h au milieu du néant.

Dans la voiture nous rallumons nos téléphones. Nous avons tous une nouvelle application dessus. [Nous apprendrons plus tard qu’elle permet de récupérer nos contacts, nos photos, nos messages et de déclencher à distance le micro et la caméra. Chaque Ouïghour se l’est vu installer sur son téléphone par les gendarmes.]

Plusieurs heures de route plus tard, nous passons dans un nouveau bureau rapidement. Passeport, téléphone, numéro de téléphone, photo. Nouveau petit tour en taxi. Le dernier poste de contrôle est fermé. C’est la pause déjeuner jusque 15 heures. Nous devons attendre une heure dehors. On se raconte nos voyages pour patienter. Les Anglais, en Jeep, nous explique qu’ils devront laisser leur voiture 24 heures à la douane, pour un contrôle approfondi et l’installation d’un GPS. Ensuite, ils devront suivre un guide pour la traversée du XinJiang. A la frontière de la région, les militaires récupèreront le GPS pour un contrôle du circuit.

Nous entrons dans le bureau. Encore une petite heure de patience. Puis un nouveau contrôle : question sur l’objet du séjour, une petite photo pour la reconnaissance faciale et prise des empreintes des 5 doigts de la main. Vincent passe en premier. Les mains sales, il dégueulasse l’appareil qui refuse alors de scanner ses empreintes. Les douaniers ne savent pas quoi faire. Ils demandent d’abord à Vincent de recommencer plusieurs fois avant de comprendre. Quelques recherches paniques, les douaniers semblent dépités. Un sopalin arrive mais il étale plus qu’il ne nettoie. Une allemande finit par sortir une lingette de son sac. Les chinois se regardent, parlent entre eux. « Peut-on mettre ce produit ou de l’humidité sur la machine ? ». Ils tentent. Ça fonctionne ! On s’est retenu de rire pendant 15 minutes avec une petite peur de passer la nuit ici.

La dernière porte s’ouvre. On nous lâche sans taxi. Le bus part avec nos amis touristes. Nous sommes libres ! Ou presque. Nous allons découvrir le XinJiang.

Première pancarte d'autostop en chinois
Première pancarte d’autostop en chinois

Nous sommes à Ulugpat. On comprend rapidement que dans la région il y a des contrôles, beaucoup de contrôles. Bureau à l’entrée et à la sortie des villes et des districts. Ici, à chaque coin de rue, un policier est installé, assis à un petit bureau. Quand on passe il nous demande nos passeports, d’où on vient et où on va. Des fourgonnettes de type SWAT circulent. Ça ne va pas être simple de faire de l’autostop tranquille et encore moins de monter la tente !

En Chine, l’autostop n’est pas interdit. Le XinJiang ne fait pas exception. Mais ici les touristes circulant hors des circuits de visite et de bus, par leurs propres moyens et en rencontrant des locaux, les autorités n’aiment pas ça du tout.

Nous avons abandonné l’idée de faire du stop en ville. Après plusieurs heures de marche, nous longeons enfin une route en périphérie. Elle traverse des cultures. Parfois, un ouvrier sort d’un bâtiment agricole pour rentrer chez lui. La nuit va tomber. Un homme finit par nous prendre en stop mais il ne va pas à Kachgar, notre prochaine étape. Il nous dépose au dernier poste de police de la ville, au milieu de nulle part.

Encore un contrôle, le septième de la journée. Les gardes sont sympathiques. Ils nous offrent des jus de fruit pour patienter. Ils ne savent pas quoi faire de nous. Ils ne veulent pas nous laisser faire du stop ni nous laisser partir à pied. Ils tentent finalement d’arrêter des voitures sans succès. Ces agents sont très jeunes, leurs essais sont timides. Nous décidons de tendre nos pancartes de stop devant leur bureau. On nous laisse faire. La 3e voiture s’arrête. Les agents approchent pour expliquer la situation au conducteur. Je crois que c’est un taxi banalisé. Un client est déjà à bord. Le taxi partagé est courant ici. Après quelques réticences, il accepte de nous emmener gratuitement à Kachgar. Merci !

Nous arrivons à 21h30, de nuit, en ville. On marche dans le vieux quartier refait à neuf pour les touristes. Lampions rouges, petits drapeaux de la Chine partout. En s’éloignant du centre, les rues fument, de petits shops ambulants cuisent du maïs et des brochettes. Nouveau dépaysement.

Vieille ville de Kashgar
Vieille ville de Kashgar

Après plusieurs tentatives, nous trouvons finalement un hostel qui a de la place pour nous. Nous sommes séparés chacun dans un dortoir. Les chambres sont sales, impossibles de laisser nos sacs en sécurité. Ça suffira pour ce soir. Je m’écroule de sommeil après la douche tant attendue. Minuit est passé.

Mercredi 26 sept. – Kachgar

Je dors jusqu’à 9h30. La petite vieille qui dort dans mon dortoir ne cesse de décrocher son téléphone. Les chinois parlent-ils toujours aussi fort ? [Oui, très souvent.] On a trouvé un hôtel pas trop cher et un peu plus cosy pour la nuit prochaine. On a besoin d’une journée de confort après notre errance à Irkeshtam.

Première dégustation de Ramen au porc. Simple mais délicieux. Je sais déjà que je vais adorer manger dans ce pays. En plus, la bouf ne coûte rien ici !

Nouilles au porc
Nouilles au porc

On croise le couple Suisse de la frontière. Ils sont étonnés de nous voir déjà là. Ils ne croyaient pas trop en l’autostop. On est fière de leur dire que nous sommes arrivés hier soir, seulement une heure après eux, leur bus ayant fait de nombreux détours et haltes.

A l’hôtel, on a chacun un lit immense, de la taille de notre tente. Douche chaude, lessive dans le lavabo et glandouille au programme avant d’aller à la recherche d’une SIM.

Lessive à l'hôtel
Lessive à l’hôtel

On tourne longtemps dans les rues avant de trouver une agence Unicom. Les flics et les caméras sont partout. Vous reprendrez bien un petit contrôle dans la galerie commerçante.

Les chinois ne parlent pas du tout anglais, même dans les hôtels autorisés à accueillir des touristes étrangers. Dans une boutique de télécom, une jeune prend le temps de nous expliquer où trouver le bureau Unicom principal, le seul à pouvoir nous faire une SIM. Merci Google translate, ou plutôt son équivalent chinois. Il y a un équivalent chinois pour tout : Youtube, WhatsApp, Facebook. Pour être connecté au monde, on doit utiliser un VPN payant (express VPN).

Mosquée Id Kah - Kashgar
Mosquée Id Kah – Kashgar

A l’agence on retrouve les deux allemandes. Elles aussi tentent d’avoir une SIM depuis ce matin. Elles sont accompagnées par un couple de jeune taïwanais. On apprend que, pour avoir une SIM au XinJiang il faut une traduction notre passeport réalisée par un bureau officiel de traduction. C’est environ 10 euros. Sérieusement ! On se passera de SIM.

Nous visitons Kachgar avec les quatre voyageurs. On déambule dans la vieille ville. Nous dégustons un thé traditionnel dans un vieux salon. Nous racontons les contrôles que nous avons subis les premiers jours.

Week-end entre globe-trotteurs
Week-end entre globe-trotteurs

L’une des allemandes a étudié en Chine. Elle nous présente rapidement la persécution des Ouïghours au XinJiang et le système de Crédit de point de social qui est en phase de test ici avant son extension à tout le pays. La Chine doit étouffer tout mouvement indépendantiste du peuple Ouïghour. La région du XinJiang est grande et ses terres sont riches en gaz. Sous prétexte des risques de terrorisme, le gouvernement chinois a pu renforcer ses contrôles sur la population Ouïghour musulmane. Quant au Credit social point, il permet d’accorder ou de retirer des points aux chinois en fonction de leurs comportements, activités, finances, etc. Un chinois qui contracte un prêt a des points négatifs, encore pire s’il a des retards de remboursement. Un chinois qui vit avec ses parents a des points positifs. En revanche, s’il vit seul et est célibataire, il écope de points négatifs. etc. Ces points ont des conséquences pour les locations, prêts bancaires, sortis de territoire aussi : tarifs avantageux pour les bons élèves et interdiction de quitter sa région pour les mauvais. Je m’étais (trop) peu renseignée sur la Chine avant d’entrer dans le pays, je ne me doutais pas de la situation au XinJiang. Une bonne claque.

Au marché de nuit, nous goûtons les petits pains, le poisson frit, la glace au matcha et le jus de grenade. Nous finissons la soirée à l’auberge de nos quatre amis à boire des bières en grignotant de la viande de chameau séchée.

Jus de grenade - Kashgar
Jus de grenade – Kashgar

Jeudi 27 sept. – Fourgonnette

Il faut d’abord beaucoup marcher pour sortir de la ville. Ce matin, au parc en périphérie de Kashgar, de nombreux groupes de chinois font de la gymnastique chorégraphique, parfois avec des accessoires comme des petits tambours ou des éventails. Les militaires aussi font leur entraînement sur les trottoirs devant leur bâtiment. Ils barrent parfois la route pendant tout le temps de leurs exercices. Interdiction de prendre une photo. Les jeunes ouïghours sont recrutés comme militaires ou agents de contrôle. Cela leur offre une bonne situation et la culture chinoise leur est inculquée d’une manière douce.

Gym tonique en attente
Gym tonique en attente

Un homme nous prend en stop et nous dépose à l’entrée de la ville suivante. Elle est petite et non-touristique. Les douaniers nous font patienter. A l’entrée de la ville, un vrai bureau de contrôle. Chaque personne souhaitant entrer en ville passe dans un sasse. Scanne de leur pièce d’identité, reconnaissance faciale. Certains ouïghours doivent donner leur téléphone. L’appareil est emmené à l’arrière pour un contrôle d’une dizaine de minutes.  Tout le monde doit donner son numéro de mobile.

Nous, on reste assis à attendre longtemps, très longtemps. On nous a pris nos passeports. En discutant un peu avec un agent, on comprend qu’ils ne veulent pas qu’on entre dans la ville. On leur explique qu’on ne souhaite pas y rester : on fait du stop, on doit la traverser et refaire du stop de l’autre côté. Aujourd’hui, nous souhaitons atteindre Aksou, à plusieurs centaines de kilomètres d’ici. L’agent a l’air soulagé. On lui enlève une épine du pied. Il repart, on attend encore. Nos téléphones chargent pendant ce temps-là après tout. Il y a une prise électrique juste sous notre banc. Je finis par demander à aller aux toilettes. Embêté, un agent me conduit. Je dois traverser le dortoir des douaniers pour aller dans leur salle de bain. Ils écarquillent les yeux.

Finalement, nous montons dans une fourgonnette. Des douaniers armés nous accompagnent. On n’entre pas en ville mais on en fait le tour. Nous passons par deux autres postes de contrôle pour rencontrer les supérieurs avant d’arriver au péage. Les douaniers arrêtent un camionneur en partance pour Aksou. Ils nous font monter. C’est une nouvelle forme d’autostop.

Itinéraire pour les nuls
Itinéraire pour les nuls

La route est interminable, entrecoupée de contrôle de 15 à 30 minutes chacun. Le pauvre chauffeur de camion, il a déjà une longue journée de boulot ! Il nous paie à manger. Je crois que les douaniers lui ont donné un billet pour ça. La route traverse le désert en longue ligne droite.

Nous arrivons à Aksou à minuit. Nous remercions notre chauffeur. On commence à marcher. Les gardes dorment, parfois assis à leur bureau de contrôle. Personne dans les rues, une grande plantation de jeunes peupliers et quelques arbres plus touffus au loin. On quitte la route pour les rejoindre. Nous plantons notre tente. Petite nuit de 1 heure à 5 heures du matin. Nous avons mis un réveil pour éviter un contrôle au petit matin.

Vendredi 28 sept. – Réni

Hier, pas rassurée, je pensais que je n’arriverais pas à dormir mais j’ai sombré. Assommée par la fatigue.

Le réveil est difficile. Il fait encore nuit. On marche seul dans la ville. Aucun contrôle, tout le monde dort. On s’assoit dans l’herbe, au bord de la route, c’est l’heure du petit déjeuner !

On marchera toute la journée. Les villes sont grandes en Chine. Dans ce territoire immense, on a du mal à estimer les distances sur la carte. Les villes sont séparées par plusieurs centaines de kilomètres.

Pause raviolis. On peut voir les femmes les préparer à l’arrière de la boutique. Ces petits ballotins minutieux ont l’air tellement facile à faire dans leurs mains. Elles vont ensuite déposer les corbeilles de bambous remplies sur leur charriot-cuit-vapeur, dans la rue. C’est un régal.

Les meilleurs raviolis du monde !
Les meilleurs raviolis du monde !

Reprise du stop. Une dame s’arrête dans sa voiturette électrique. On ne parvient pas à se comprendre mais elle semble vouloir nous aider. On monte. On est tassé avec nos sacs à l’arrière. Finalement, elle nous mène à une station de taxi. Elle veut nous payer le trajet jusqu’à la prochaine ville. On refuse. Elle est dépitée.

Mini stop
Mini stop

Après encore un peu de marche, on retend nos pancartes. Cette fois-ci un policier arrive en moto. Nouveau contrôle. Il ne sait pas trop quoi faire de ces deux étrangers, ni de nos passeports qu’il a du mal à lire. Finalement, deux collègues le rejoignent sur une nouvelle moto. Puis leur chef arrive en voiture. Et enfin un autre encore avec le fameux registre papier ! Tout ce petit monde rien que pour nous !

Le chef ne veut pas que l’on fasse du stop. Il nous mène à la douane en voiture. De là, il nous arrête un bus. On a un trajet gratuit pour Xian de Toksun. On somnole. Le bus s’arrête au milieu du désert et nous demande de descendre. Nous sommes à une sortie d’autoroute, celle pour la ville. Il reste encore 20 kilomètres. On sait déjà que si nous allons en ville, la douane va nous saouler et qu’elle ne voudra pas qu’on entre dans la cité car ce n’est pas un point touristique, etc. On commence à connaître le refrain. On décide donc de tendre le pouce sur l’autoroute pour continuer vers une autre mégapole touristique.

Autostop sur l'autoroute
Autostop sur l’autoroute

Un camion s’arrête. Réni a une pêche d’enfer. Il est ouïghour et accepte de nous conduire à Korla, notre objectif du jour.

Nous parvenons à parler avec Réni, grâce aux mains et aux dessins. Il transporte du gaz. Après sa journée de travail, il revend de vieilles cuves, petits tracteurs, et pièces détachées qu’il récupère sur les chantiers. Ce soir il doit aller en livrer. Nous quittons l’autoroute pour passer par des routes de terre, celles qui relient des points d’extraction du gaz. Dans le désert, on aperçoit les conduites de gaz et les dizaines de puits. Un cerf traverse la route. Il y a de la vie dans ces buissons épineux.

Nous arrivons dans un village. Il n’abrite que des ouvriers en tenue de travail. Des drapeaux de Chine délavés pendent aux portes. Notre camion se gare devant une petite usine. On attend une heure avant d’entrer. Puis encore une heure, le chef est en pause déjeuner. Il viendra jeter un œil à la marchandise puis repart, mécontent du prix. Réni a l’habitude, il attend en nous montrant des extraits de film d’arts martiaux ou de films américains de type Terminator qu’il trouve sur Youtube (enfin, son équivalent chinois). La nuit tombe. Mais qu’est-ce qu’on fout ici ? On ne devrait pas être là.

Traversée du XinJiang
Traversée du XinJiang

Parfois, on aperçoit un ouvrier sortir d’un préfabriqué. Pas de toilette ici, il faut se cacher derrière des machines rouillées de la décharge. Le chef revient suivi d’un tractopelle jaune flambant neuf. Par un système de chaînes sur la pelle, il descend l’ensemble du matériel. Finalement il achète tout. Réni est content.

Nous arrivons à 3 heures du matin en ville, la route fut longue et les contrôles nombreux. A chaque poste de police, Réni patiente en souriant, il est heureux que des touristes voient à quel point ils sont surveillés ici. Il nous laisse dormir dans son camion. Il aurait aimé nous inviter mais c’est trop dangereux. Les ouïghours n’ont pas le droit d’inviter d’étrangers chez eux. Sa femme a peur. Plusieurs membres de sa famille sont en prison (ces camps de « rééducation » dont certains de nos journaux européens commencent à parler). Il nous explique que, lors des contrôles, on retrace ses déplacements, on lui demande son téléphone pour surveiller ses messages et ses contacts. Il a de la famille au Pakistan qu’il n’a pas le droit d’appeler. Chez lui, on a pris tous les livres qui n’étaient pas chinois.

Le jour se lève, nous quittons Réni qui peut enfin rentrer chez lui. Merci.

Samedi 29 septembre au Lundi 1er octobre – D’autostop en contrôles

D’autostop en contrôles, nous traversons la province du XinJiang. Plus je lis sur internet, plus la Chine, son gouvernement, me révulse. Les contrôles nous oppressent. On accélère la cadence pour quitter la région.

Nous rencontrons plusieurs couples de chinois de tout âge. Ils sont en vacances dans la région. Très peu parlent anglais. Ils nous offrent des nouilles lyophilisées que l’on peut déguster sur les airs d’autoroute. En Chine, vous trouverez partout des sources d’eau bouillante à disposition pour le thé et les nouilles. Il y a peu d’eau potable et tout le monde a son thermos à thé. Un jour, une chinoise nous demande intriguée : « C’est vrai qu’il n’y a pas d’eau chaude en France ? ». Je lui explique qu’on a de l’eau chaude pour le bain, etc. et je finis par comprendre qu’elle parle de ces « fontaines » d’eau bouillante. Dans toutes les chambres d’hôtel vous avez une bouilloire aussi.

On nous a aussi offert deux melons qu’il nous a été impossible de refuser. On en mange un entier sur une aire d’autoroute. L’autre alourdira mon sac 24 heures de plus.

Déjeuner Full-Melon
Déjeuner Full-Melon

En Chine, nous découvrons aussi la folie des hôtels avec et sans autorisation pour les étrangers. Les plus abordables sont les derniers bien sûre. Les autres vont du double au triple du prix. Pas moyens de trouver une chambre à moins de 24 euros la nuit pour nous. Les gérants nous expliquent que c’est à cause des normes. Pour être entrée dans plusieurs hôtels sans autorisation, ça n’a rien à voir.

Nos journées nous fatiguent. Les villes sont énormes, reliées par l’autoroute. Avec tout ces contrôles, on n’envisage pas la tente. Les habitants des villes sont plus difficilement abordables. La ville se prête moins à l’hospitalité. Nous mettons souvent plusieurs heures avant trouver une chambre d’hôtel à un prix raisonnable. Heureusement, l’entraide est toujours là. Le coiffeur appelle un ami qui parle un peu anglais pour qu’on lui explique notre problème et qu’il nous indique des adresses d’hôtels. Un soir, nous rencontrons un professeur d’anglais. Il parle presque aussi bien que moi ! Cool ! Il nous conduit jusqu’à l’hôtel à pied, nous montre la salle où l’on prend le petit déjeuner puis nous mène à notre chambre. Sa femme collectionne les pièces de monnaie, on lui donne tout nos doublons du voyage.

Hôtel compliance
Hôtel compliance

Plus on s’approche de la frontière du XinJiang, plus les contrôles s’estompent. Ils s’écourtent. On desserre un peu les dents. Nous culpabilisions à chaque autostop de faire perdre du temps à nos conducteurs. On a beau leur dire de nous laisser au poste de contrôle, qu’on trouvera une autre voiture après, ils nous attendent toujours, patients et souriants. Au dernier bureau de contrôle nous avons même le droit à un selfie avec plusieurs agents. Ils veulent une phot avec les « français ».

Le 1er octobre, nous entrons à Guazhou, en province du Gansu ! En moins de 7 jours, nous avons subi 30 contrôles.

Après cette traversée, je ferai quelques recherches sur la situation de la population ouïghour en Chine.

Voici quelques liens :

https://www.liberation.fr/planete/2018/08/29/ouighours-les-camps-secrets-du-regime-chinois_1675335

https://www.lefigaro.fr/international/comment-pekin-etend-sa-mainmise-sur-le-xinjiang-20190705

https://www.liberation.fr/planete/2018/08/29/fais-ce-que-le-monsieur-te-demande-sinon-c-est-comme-si-on-etait-morts_1675334